Le confinement des maisons de retraite, obligatoire depuis le vendredi 13 mars, n’a pas du tout gelé leurs activités. Non, ce n’est pas la loi martiale, pour les seniors, derrière les portes verrouillées… On y vit même dans une tout autre ambiance depuis qu’elles sont un peu coupées du monde à cause de la pandémie de coronavirus.
Claude Gerin, chargé de direction au centre Op der Léier, à Esch-sur-Alzette, a retrouvé dans ces circonstances particulières toute l’importance du contact humain, qui lui est déjà tellement cher habituellement.
« L’ambiance est toujours bonne, moins agitée, et les flux de personnes ont fortement diminué, décrit le responsable eschois. La décision de fermer les bâtiments, loin de marquer une rupture brutale, a plutôt rassuré le personnel et une majorité des résidents. Bien sûr, parmi eux, il faut faire la différence entre ceux qui disposent de toutes leurs facultés cognitives, qui ont parfaitement saisi l’enjeu, et les autres, plus fragiles, qu’il faut constamment rassurer. Les personnes atteintes de maladies neurodégénératives n’acceptent pas une limitation de leur champ d’action et demandent beaucoup de patience de la part du personnel.»
Interactions maintenues
Fondamentalement, seuls les contacts physiques sont rompus avec l’extérieur. « Beaucoup de familles gardent un contact téléphonique journalier avec leur parent, et on nous dépose régulièrement des colis qui leur sont distribués. Ce week-end, une famille a même apporté un bouquet de roses, bien préparé dans un vase. C’est un geste qui m’a ému. »
La vie du centre suit son cours, tranquille. « Des activités en petits groupes sont proposées par notre personnel de soutien et d’animation. La distance de sécurité entre les gens est respectée. Les personnes les plus vulnérables mangent dans leur chambre et ne participent pas aux activités. Des petites activités individuelles leur sont proposées.»
Fini les bisous
« Le restaurant a, quant à lui, été élargi jusqu’à la salle des fêtes, ce qui permet d’installer les convives en respectant les distances recommandées. La mesure la plus compliquée est de garder une distance d’au moins deux mètres dans le contact direct. C’est difficile pour nous, qui étions accoutumés à plus de proximité avec nos hôtes : on aime leur tenir le bras, leur toucher la main, leur faire un bisou… »
Pas question pour le personnel d’être avare d’interactions… dans le respect des prescriptions : « Nous essayons de garder autant de contacts qu’avant la crise. Mais, souvent ce sont plutôt des rencontres individuelles, ou dans de petits groupes. En général, nos collaborateurs sont très motivés et engagés, et font tout ce qui est possible pour garantir une prise en charge de qualité. La majorité du personnel sait très bien gérer ses propres angoisses parallèlement à celles de nos pensionnaires. Je mentirais si je vous disais que tout a été rose : dans une telle crise, avec l’apparition de contraintes nouvelles, les comportements individuels sont inégaux. »
Qualité de vie
Il y a même des côtés franchement positifs, liés à la baisse de l’activité économique. « Nous ne sommes plus exposés au retard de nos collaborateurs coincés dans des bouchons, sourit Claude Gerin. Nous ne devons plus nous bagarrer avec les chauffeurs de voitures ou de camions qui bloquent les accès à notre centre. Il n’y a plus de files d’attente devant notre réception… La vie a retrouvé un rythme plus léger! Personnellement, j’ai pris conscience que je vis dans un monde qui tourne parfois un peu trop rapidement. J’habite à 500 mètres du rond-point de Raemerich, qui est habituellement un des plus chargés du pays. Dimanche soir, j’en ai fait le tour à vélo : j’étais tout seul ! Du jamais vu ! Je me sentais libre…
Si je devais commencer à tirer des leçons de cette période, je dirais que le contact entre humains m’apparaît comme la chose la plus importante que nous puissions avoir. Sans considération l’un pour l’autre nous vivons dans un pauvre monde. »