Un parfum de Babylone dans la cuisine de Bofferdange

14/01/21 | Actualité

Sa nouvelle vie, c’est entre Steinsel et Bofferdange qu’elle se passe. Ancien de l’armée irakienne, voilà Hazim caserné… dans la cuisine de la résidence Am Park, à Bofferdange. Ce réfugié politique travaille chez SERVIOR depuis le 1er août 2018, grâce à une mesure d’insertion. Il illustre, à sa manière, la formidable diversité de l’institution : 47 nationalités sont représentées parmi les 2137 membres du personnel. La principale, la luxembourgeoise, représente moins d’un tiers du total !

L’aventure

Ce Grand-Duché, qu’il a découvert en 2015, Hazim le trouve beau et calme, sécurisant. S’il a fui sa terre natale, et la région de Bassorah, c’est parce qu’il était menacé par la milice locale. Abandonnant femme et enfants, il saute dans un avion vers la Turquie. « À partir de là, l’aventure commençait, vers l’Europe. D’abord en bateau pour la Grèce, puis à pied à travers les Balkans. » Une étape à Vienne. Un voyage en train. Hazim se destine à la Belgique… mais n’ira pas plus loin que Luxembourg. À défaut d’en écumer les trois étoiles, il en connaîtra tous les foyers, d’Esch-sur-Alzette à Ettelbruck, de l’Est au Sud, seul ou avec sa famille. Car sa femme, sa fille et ses deux garçons, échappant aussi aux violences et aux intimidations, l’ont rejoint rapidement ici… où est né à son tour un troisième garçon, Yezen.

Nostalgie

Du haut de ses 51 ans, les yeux d’Hazim s’illuminent quand il montre la photo du petit dernier. L’Iraq lui est désormais interdit. Il pense à son frère et à sa mère, qui vivent toujours là-bas. Quand il regarde avec tendresse les pensionnaires de Bofferdange, difficile de ne pas penser à elle. Il l’a revue quelques jours, en Turquie, mais le temps n’est pas vraiment aux voyages. « Dans notre culture, la famille est si importante que j’ai toujours un serrement au cœur quand, parfois, je vois une personne décédée quitter notre maison toute seule dans son corbillard. Inimaginable dans mon pays natal.»

Apprentissage

Ici, les relations sociales sont différentes. Mais il loue l’ambiance qu’il a trouvée chez SERVIOR : « On sent beaucoup de respect, et un encadrement bienveillant. Et puis tout le monde m’aide à parler le français », explique Hazim dans la langue de Voltaire, dont il ignorait encore tout il y a cinq ans, seulement rompu à l’arabe et à quelques rudiments d’anglais. « La maîtrise du luxembourgeois, ce sera pour plus tard : actuellement, entre le travail, la maison et les enfants, je suis inscrit en apprentissage adulte au Lycée technique de Bonnevoie. J’adore la cuisine, j’adore le travail. » Frederik Dhur, responsable du département d’économie domestique à Bofferdange, salue cette évolution et ne tarit pas d’éloges sur sa recrue, « un employé fiable à 100%, qui fait rarement défaut ».

Impossible stabilité

Il est moins facile pour l’épouse d’Hazim, qui exerçait le métier de coiffeuse dans le lointain Orient, de s’insérer aussi dans le circuit, par méconnaissance des langues. Mais les enfants ont trouvé leurs marques dans l’enseignement. Reste à trouver une nouvelle maison, puisque leur bail à Steinsel prend fin. « Difficile de se loger, ici, quand on a un petit salaire », constate Hazim, l’air grave.

L’Iraq, il n’est pas sûr d’un jour y remettre les pieds : « Tant qu’il y aura du pétrole, ce sera un pays livré aux convoitises et voué à la déstabilisation. Avant, il y avait un dictateur. Aujourd’hui, il y en a une multitude. Alors merci au Luxembourg, merci à mes employeurs, merci à mes collègues, qui me permettent de connaître cette autre vie. »

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